La Visée
Comme par deux points il ne passe qu’une seule droite, deux points sont
nécessaires (et suffisants) pour déterminer une visée.
De la fiabilité et la finesse de ces deux points de référence
dépendent celle de notre visée ainsi que son caractère
reproductible. Au tir au fusil, ces deux points de visée sont fixement
matérialisés sur l’arme elle-même. Il en est autrement
du tir à la sarbacane (à l’arc) ou un seul point de référence
se matérialise. L’autre point de référence nécessaire
est notre œil. Cette particularité met en évidence toute
l’importance du positionnement de notre corps dans l’espace par
rapport à la visée dans le tir à la sarbacane.
Notre tête (nos yeux) peut en effet être plus ou moins à
gauche, à droite, en avant, en arrière, et ces variations auront
une influence directe sur la qualité de notre visée. Si l’on
réussit à reproduire à l’identique le positionnement
de notre tête par rapport à la sarbacane, la référence
de visée sera parfaite. Mais cela n’est pas suffisant ! car en
effet, au moment du tir (du souffle), notre corps bouge nécessairement,
alors que la sarbacane ne devrait théoriquement ne pas bouger d’un
millimètre si l’on veut conserver à la visée toute
sa précision ! Cette condition apparaissant difficile, voir impossible
à satisfaire, on peut alors considérer que ce mouvement (aussi
infime soit-il) est inévitable. Il doit donc pouvoir être intégré
à la séquence du tir et pour cela être toujours le même.
Je résumerais donc ainsi les éléments déterminants
de la visée jusqu’au tir :
- Maîtrise dans la perception du positionnement de son corps dans l’espace.
- Visée « confiante »
- Souffle (tir) dans l’intégration d’un mouvement venant
se superposer à la visée.
Cette séquence a les meilleures chances de se reproduire avec fiabilité
si elle s’effectue sereinement dans la continuité. C’est
pourquoi il est important de ne pas trop « tourner » autour de son
objectif dans la visée. Nous recherchons alors une perfection que nous
ne pouvons atteindre et ce sentiment a toutes les chances d’induire des
mouvements réflexes « parasites » involontaires au moment
du tir (échec assuré …). Pour éviter cette impasse,
il est conseillé de s’entraîner sur des « visuels »
dont la taille est adaptée à « son domaine de compétences
».
La bonne méthode d’entraînement est de choisir une distance
de tir et une dimension de la cible que l’on maîtrise. Sur cinq
fléchettes tirées, toutes doivent pouvoir sereinement et raisonnablement
pouvoir atteindre l’objectif . Il suffit ensuite d’adapter la distance
(et / ou la taille de la cible) à ce « domaine de compétences
» pour affiner ses performances.
Dans la pratique du tir en général, la visée fait appel à un oeil qui permet d'aligner 1 ou 2 points de visée sur le centre de la cible. Ce mode de visée est monoscopique.
2 points de visée dans le tir au fusil :
1 point de visée dans le tir à l'arc :
Lorsque nous visons avec une sarbacane, la position symétrique de
celle-ci par rapport à nos deux yeux nous permet d'exploiter une
visée stéréoscopique, et là, nous entrons dans la troisième dimension.
C'est le relief apporté par une vision binoculaire qui nous permet
d’apprécier les distances et de mieux nous repérer dans l’espace.
Bien qu’une sarbacane ne comporte aucun point de visée précisément
matérialisé, le simple fait de fixer le centre de la cible avec nos
deux yeux fait apparaître deux sarbacanes dans notre champ de vision
(de part et d’autre de la cible). C’est à l’évaluation de cette perception
que nous devons toute la précision de nos tirs. Magique...
Le souffle
Si les paramètres de la visée peuvent être assez facilement
définis et relativement maîtrisés, le souffle est évidemment
un élément déterminant pour atteindre son objectif. Si
l’on souffle « trop fort », on tire trop haut, « trop
faible », on tire trop bas… Au-delà de cette évidence,
il est intéressant d’analyser comment cette énergie se transmet.
On peut remarquer que le souffle n’est pas qu’une simple quantité
d’air expulsée à débit constant dans un laps de temps
donné. Le débit du souffle peut en effet (pour une même
quantité d’air expulsé) varier (fort au début, faible
à la fin) suivant une courbe de « pression » variable. Cette
variation de pression va avoir une influence directe sur l’accélération
, le comportement de la fléchette et son passage dans le tube de la sarbacane
! Je m’arrêterais à cette observation, faute d’avoir
pu analyser l’incidence de ce paramètre sur le comportement physique
des fléchettes lors d’un tir.
Par expérience, je constate simplement que suivant mon état de
fatigue, la sensation de souffler plus ou moins fort peut être variable
et se traduire en cible par des variations de hauteur sensibles. Apprendre à
maîtriser son souffle est donc un élément déterminant
d’un tir réussi.
A force d’entraînement, il apparaît aujourd’hui pour
moi davantage du domaine du « feeling » que de celui du «
rationnel ». Et c’est ce qui fait sans doute toute la magie du tir
à la sarbacane…Si nous n’étions que « des machines
à tirer », je pense que cette discipline perdrait beaucoup de son
charme et de son mystère car, en révélateur de nos émotions,
elle nous apprend à accepter avec une égale humeur le succès
aussi bien que l’échec, et surtout, à mieux se connaître
…
Pierre Emmanuel Debergh
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